Collectif d'Action et de Lutte contre les Jeux A Risques
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  • http://www.adosen-sante.com, PAROLES D’EXPERTS, 12/02/2009

    Posté le mars 11th, 2009 Caljar 11 commentaires

    Entretien avec Françoise COCHET, Présidente de l’association APEAS (Association de Parents d’Enfants Accidentés par strangulation), Paris 5ème.

    Françoise COCHET,POUVEZ-VOUS VOUS PRÉSENTER AINSI QUE VOTRE ASSOCIATION ?

    FC:je suis maman de trois enfants dont l’un est décédé en 2000 après avoir expérimenté un jeu dangereux. Les causes du décès m’ont été confirmées par l’enquête de la police. Depuis cet accident, je me suis investie dans la lutte contre les jeux dangereux. En juin 2002, l’association APEAS, Association de Parents d’Enfants Accidentés par Strangulation, est née. Elle regroupe des parents de victimes du jeu du foulard et se compose d’un comité scientifique et de 25 délégués régionaux. Le but de notre association est de sauver des vies en prévenant en amont les familles des dangers de ces jeux. Nos missions sont avant tout d’échanger avec les familles de victimes, de leur apporter soutien et réconfort – nous souhaiterions à terme ne faire plus que cela – puis de lancer l’alerte et informer de l’existence de ces jeux en faisant de la prévention auprès des enfants, des adolescents et des jeunes adultes. Sur ce dernier point, nous souhaiterions que les acteurs éducatifs prennent notre relais et qu’ils fassent eux-mêmes le travail de prévention que nous menons actuellement dans les établissements scolaires. Notre rayon d’action couvre tout le territoire national. Nous sommes en relation avec de nombreuses familles américaines, canadiennes et d’Europe. Ces échanges sont nécessaires pour avoir une vision internationale de la problématique. Je vous informe dès à présent que nous organisons les 3 et 4 décembre 2009 un colloque international au ministère de la Santé qui fera intervenir des spécialistes de la psychiatrie, de l’éducation, de la santé et de la justice. Quelques familles apporteront également leurs témoignages.

    LES JEUX DANGEREUX EXISTENT DEPUIS FORT LONGTEMPS MAIS LEUR PRATIQUE AUJOURD’HUI EST BEAUCOUP PLUS FRÉQUENTE. COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS L’ATTIRANCE DES ENFANTS POUR CES JEUX ?

    Je ne pense pas que leur pratique soit beaucoup plus fréquente qu’il y a une dizaine d’années. Il n’y a aucune étude ou enquête rigoureusement scientifique sur ce sujet. Nous disposons seulement d’une enquête IPSOS basée sur des entretiens téléphoniques. Déjà, dans les années 1940, nous disposions de témoignages de ces pratiques dangereuses. Je vous invite ainsi à lire l’ouvrage de Jean GIONO « Faust au village » écrit en 1947 et notamment un passage à la page 28 qui décrit ce type de pratique : “Dans la montagne, les gens ont un plaisir : se suspendre par leur capuchon. Ce sont des capuchons en peau, fermés au cou par une courroie de cuir. On se met à trois. Deux relèvent le troisième et le pendent à un clou par son capuchon. La courroie se serre, le sang ne circule plus dans la tête : la connaissance se perd. C’est si agréable qu’il faut recommencer constamment [...].” Dans une réunion de parents, si l’on demande qui a déjà pratiqué ces jeux étant jeunes, de nombreux doigts se lèvent. Et certains parents ont 60 ans… L’important est d’arriver à repérer ce type de pratiques. Il est nécessaire que les directeurs d’écoles soient informés pour agir. L’attirance des enfants pour ces jeux s’explique par le mimétisme. Ces jeux sont transmis d’une génération à une autre, d’un groupe de copains à un autre ; les enfants se le proposent. Ces jeux sont importés aussi de l’étranger, dans le cadre des colonies de vacances. Ces jeux procureraient aux enfants du plaisir, des hallucinations, une relaxation intense et des plaisirs auto-érotiques, bien que pour ce dernier effet, rien n’ait été démontré. Le danger est bien réel, d’autant plus que les enfants peuvent en devenir « addict ».

    À QUOI « JOUENT » – ILS ?
    Lorsque l’on interroge les enfants sur ces jeux, ils évoquent les actes de violence pure (se taper par plaisir comme le jeu de la cannette, par exemple) et d’autres jeux comme le jeu du foulard. On classe ainsi ces jeux en deux grandes catégories : les jeux de violence et les jeux d’expérience dont notre association s’occupe. Les jeux d’expérience se scindent également en plusieurs types de jeux : les jeux de strangulation ou d’étranglement qui conduisent à la suffocation suivie d’une syncope, les jeux qui consistent à se comprimer le sternum jusqu’à tomber en syncope et les jeux d’apnée comme le jeu de la tomate (tenir sa respiration jusqu’à devenir rouge) provoquant une hyperventilation ou une accélération et une amplification respiratoire, qui est extrêmement dangereuse. Ce qui fait froid dans le dos, c’est que des ouvrages expliquent aux enfants comment faire pour arrêter de respirer et ressentir des sensations fortes. Ils sont publiés en pleine légalité comme le livre « Jeux zen » ou « Jouer des pieds à la tête » édités par Nathan et que l’on trouve dans beaucoup de bibliothèques publiques… C’est scandaleux…

    QU’EST-CE QUI DISSOCIE CES JEUX DES CONDUITES DITES « À RISQUE » ?

    Ce qui les distingue des conduites dites « à risque », c’est que les enfants ne reconnaissent justement pas le risque. Pour eux, cela reste des jeux ludiques, des expériences sur le corps. Tant que la prévention n’est pas faite auprès des enfants, ces derniers ignorent le danger que ces jeux représentent.

    DE QUELLES STATISTIQUES DISPOSE T- ON SUR CE SUJET ? ET QUELS SONT LES ENFANTS LES PLUS À RISQUE ? (LES « CASSE-COU » ?, LES « INFLUENÇABLES » ?…)

    Nous ne disposons que des statistiques de l’IPSOS de mai 2007 qui ont ensuite été confirmées par une autre enquête de la SOFRES en septembre 2007. Plus de 1 000 personnes constituant un échantillon national représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus, ont été interrogées. Les principaux résultats de l’enquête, même si l’on reconnaît que la pratique est sous-déclarée, sont inquitétants. 6% des parents déclarant avoir entendu parler du jeu du foulard estiment que leur(s) enfant(s) a(ont), un jour, pratiqué le jeu du foulard. 5 % des personnes concernées ont déclaré connaître des enfants ou des adolescents qui auraient été accidentés ou seraient même décédés après avoir pratiqué ce jeu et près de la moitié des personnes qui ont pratiqué personnellement ce « jeu » ou l’ont vu pratiquer par d’autres, n’avaient pas « conscience de jouer ou d’assister à un jeu très dangereux ». Ces pratiques peuvent être expérimentées par n’importe quel enfant : les « casse-cou », les « influençables », les « très sages »…, les garçons et les filles, les enfants de tous les âges et de tous les milieux sociaux. On constate que de nombreux enfants décédés de ces pratiques étaient intellectuellement précoces. L’« initiation » débute souvent en primaire, parfois en maternelle.

    QUELS SONT LES SIGNES D’ALERTE ?

    Les principaux signes d’alerte sont de violents maux de tête, récidivants, une tâche rouge dans le blanc de l’oeil témoin d’une micro-hémorragie, parfois compliquée d’une baisse de l’acuité visuelle. Il faut être attentif à d’éventuelles traces suspectes sur le cou (parfois camouflées), à des douleurs auriculaires et à certains comportements étranges des enfants (bruits sourds dans la chambre ou contre le mur, questions posées sur les effets, les sensations, les dangers de la strangulation, et tout objet, lien, corde, ceinture, traînant sans raison auprès du jeune).

    QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE CES JEUX DANGEREUX ?
    L’anoxie ou l’hypoxie, c’est-à-dire la privation totale ou partielle d’oxygène qui provoque une asphyxie des neurones (le cerveau est l’organe le plus sensible à une oxygénation régulière), peut avoir des conséquences très graves allant de séquelles irréversibles à la mort. Les conséquences de ces pratiques varient selon leur durée : lenteur mentale, céphalées intenses et persistantes, tremblements et secousses musculaires, mouvements involontaires, crises épileptiques, chutes brutales assorties de fractures plus ou moins graves, amnésie, coma et décès. De nombreuses sensations sont ressenties au niveau du cerveau et du coeur tels que de violents maux de tête, des bourdonnements dans les oreilles, une vision floue, des tremblements violents, un ralentissement cardiaque pouvant aller jusqu’à son arrêt, etc. Certains « pratiquants » peuvent même devenir dépendants à ces jeux. S’ils en réchappent, ils risquent un handicap définitif, psycho-moteur et/ou végétatif.

    COMMENT PRÉVENIR CE TYPE DE PRATIQUES ? ET QUEL EST L’ENJEU DE LA PRÉVENTION ? COMMENT INFORMER ET ENGAGER DES ACTIONS CONCRÈTES À L’ÉCOLE PRIMAIRE ? AU COLLÈGE ?

    Il vaut mieux prévenir ces pratiques en amont plutôt que de ne pas informer du tout. Il est nécessaire d’informer tout d’abord les adultes, les acteurs éducatifs, les parents…, puis de mettre en place une prévention adaptée à chaque âge, conduite par des professionnels. Il est nécessaire de bien connaître le sujet et de se sentir capable de mener cette prévention particulière. Un professeur des écoles ne doit pas s’obliger à en parler s’il ne se sent pas préparé à le faire.

    AVEZ-VOUS EU DES RETOURS DU PERSONNEL SCOLAIRE SUR L’UTILISATION DE LA MALETTE DE PRÉVENTION QUE VOUS AVEZ RÉALISÉE ?

    Oui. Notre mallette pédagogique est appréciée et utilisée de différentes manières par les acteurs éducatifs. Elle contient une méthode de prévention sous forme de livrets, un film documentaire à diffuser aux adultes, accompagné de la brochure définissant ces “jeux” et leurs signes d’alerte, deux films, véritables outils de prévention et un questionnaire aux élèves. Elle constitue une base d’information, nécessaire au professionnel avant toute intervention préventive.Les établissements scolaires s’en servent également pour informer les parents, qui doivent être prévenus en priorité. Un partenariat avec les villes est bienvenu, pour sensibiliser les animateurs de la petite enfance des haltes-garderie, des crèches, mais aussi les éducateurs etc., sur ce sujet.

    QUELS MESSAGES SOUHAITERIEZ-VOUS TRANSMETTRE À NOS LECTEURS ET PLUS PARTICULIÈREMENT AU PERSONNEL ÉDUCATIF ?

    Je souhaiterais leur dire qu’il ne faut pas avoir peur de ce sujet. Informer les enfants, les familles, le monde enseignant…, permet de le combattre de front. Il est nécessaire de s’informer et de se former à ce sujet pour arriver à enrayer ce fléau aux conséquences graves et mortelles pour nos enfants. La prévention est efficace. Elle permet d’enrayer ce type de pratiques, de repérer les enfants « addict » à ces jeux. Enseignants, éducateurs…, aidez-nous à mener ce combat et prenez notre relais pour sensibiliser le milieu scolaire sur ces pratiques dangereuses et tragiques.