Collectif d'Action et de Lutte contre les Jeux A Risques
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  • http://www.clicanoo.com, le journal de La Réunion, 10 Juin 2009

    Posté le juin 10th, 2009 Caljar Pas de commentaire

    Violences scolaires : branle-bas de combat

    Le phénomène concerne au premier chef les collèges. Happy-slapping, bagarres organisées, racket… Les signalements se multiplient. La municipalité a convoqué hier un comité local de sécurité et de prévention de la délinquance, dans un contexte de prise de conscience générale.


    Les chiffres annoncés par la police nationale sont bien minces. Et pour cause : le dépôt de plainte est loin d’être systématique. Mais de l’avis de tous, “Ces chiffres sont bien en-deçà de la réalité”. Il est question des violences en milieu scolaire. Les voix qui s’élèvent sont celles des principaux des treize collèges de Saint-Denis, réunis hier matin au sein du comité local de sécurité et prévention de la délinquance convoqué par la Ville. Nalini Veloupoulé-Merlo, adjointe déléguée à la sécurité, est du même avis : “Face à la multiplication des incivilités et des agressions dans les collèges, il nous faut agir et mener une action collective d’envergure”. Il faut dire que le constat est édifiant, surtout aux abords des établissements. Claude Carpentier, principal du collège de Bourbon, note : “On en est à trois bagarres devant nos portes par semaine”. À Montgaillard, le principal, Gonzague Batteux, témoigne : “Il y a deux ans, on comptabilisait une bagarre par jour. Aujourd’hui, on arrive à une tous les quinze jours à l’intérieur. Il faut dire que l’on contrôle désormais les carnets de liaison pour éviter des intrusions aux grilles”. Intra-muros, il est plutôt question “d’incivilités, d’insultes et un peu de racket”. En revanche, “c’est dans les abords immédiats que l’on observe le plus de problèmes”. À Deux-Canons, le constat diffère peu. “À l’intérieur, on contrôle, mais une fois la porte du collège passée, c’est une tout autre histoire. Il y a au moins une bagarre ou des velléités de bagarres une fois par semaine”. Beaucoup signalent une transposition “du phénomène de quartiers et de bandes dans l’établissement qui, contenus dans l’enceinte, s’évacuent sur la voie publique”.

    LE DÉPARTEMENT AUX ABONNÉS ABSENTS

    Des éléments “extérieurs” – d’autres établissements ou des jeunes déscolarisés – entrent également dans la sarabande, comme régulièrement autour de Dodu, Bourbon et Saint-Michel. Et cette violence se met en scène avec le portable (lire par ailleurs). La police nationale patrouille aux abords des établissements “Quand on peut, mais ce n’est pas notre seule mission”. Idem pour la police municipale. Des médiateurs (240 pour toute l’île) sont présents dans certains établissements. Ils ne sont embauchés par le rectorat que pour 24 heures par semaine… Les principaux réclament d’ailleurs “l’arrêt des suppressions de postes” pour muscler le nombre d’adultes dans les établissements. Est également sur la sellette le rôle éducatif des parents et surtout leur “démission”. De l’avis général : “On constate une véritable perte de repères chez les élèves. Ils ne savent plus ce qui est bien ou mal”. Et le fossé entre enseignants et élèves se creuse. En définitive, il n’y a pas eu de recettes miracles avancées au cours de cette réunion. Des actions ont été proposées en direction des parents “démissionnaires”, d’intégration vis-à-vis de certaines communautés, d’une veille accrue sur le phénomène de bandes, d’une meilleure coopération entre polices ainsi qu’entre forces de l’ordre et établissements… Tout cela doit désormais être arrêté. Ça va prendre un certain temps d’autant que les financements risquent de se faire attendre. Le recteur doit prendre connaissance des conclusions dans les jours à venir tout comme le Département – compétent pour les collèges – qui a brillé par son absence hier matin.

    Bruno Graignic

    Pas de chiffres officiels

    Il n’existe plus de statistiques de la violence scolaire. En août 2006, l’hebdomadaire Le Point avait publié les chiffres de la base de données Signa, système informatique de recueil des actes de violence mis en place par l’Education nationale depuis la rentrée 2001. À cette époque, les principaux de collèges et proviseurs de lycées étaient obligés de signaler tous les incidents constatés dans l’établissement, ou à ses abords. Georges-Brassens était le seul lycée réunionnais à figurer dans ce classement, ce qui ne manquait pas de sel : c’est le plus proche voisin du bureau du recteur d’académie ! De même, la présence du collège Juliette-Dodu, pourtant réputé pour ses bonnes fréquentations, avait de quoi intriguer dans cette liste. V.H


    Education

    “Tous ces cas de violences gardés sous silence »

    Le vice-président de la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves), Odel Oumana, ne mâche pas ses mots : En matière de violences scolaires, tous les établissements ne jouent pas la transparence. Certains préfèrent garder sous silence des faits pour ne pas être montrés du doigt”. Présente dans environ 60% des collèges et lycées de l’île, la FCPE est souvent témoin de plusieurs formes de violence à l’école. “Malheureusement, on ne parle de violence que lorsque celle-ci est médiatisée. Or, il faut faire partie des conseils d’administration et participer à des conseils de discipline pour savoir que la réalité est toute autre”, explique M. Oumana. Selon le vice-président de la FCPE, “il se produit au moins un cas de violence chaque semaine dans un établissement scolaire : un élève arrache un arbuste dans la cour, ou un élève insulte son camarade, lorsqu’il ne s’en prend pas carrément à son professeur. Devraient être également considérés commes des actes de violences toutes dégradations de matériels scolaires (ordinateur par exemple), ou des graffitis vulgaires sur la table ou sur les murs… La première forme de violence réside dans le manque de respect, devenu monnaie courante”. Comment y remédier ? “Au lieu d’investir dans les portiques, le gouvernement ferait mieux d’investir dans l’humain, dans du personnel éducatif, afin de privilégier la communication et la prévention. Et au lieu de cacher tous les actes de violence qui se passent dans leur établissement, les principaux et proviseurs feraient mieux de les faire remonter à l’académie, qui pourrait ensuite (peut-être) débloquer des moyens afin de tenter de réguler certaines formes de violence”. Odel Oumana tient toutefois à saluer “l’efficace travail de prévention” mené par les gendarmes et les policiers aux abords de certains établissements scolaires, notamment dans l’Est, dans le but de réduire certains actes de violence (racket, bagarres…). Y.M


    Les nouvelles technologies, notamment le téléphone portable, sont largement pointées du doigt dans ces nouveaux phénomènes de violences scolaires. Happy-slappings, vidéos sur Internet… les signalements se multiplient. Gonzague Batteux analyse : “La mise en scène des combats, pour des élèves qui se donnent eux-mêmes le nom de combattants, est très présente”. Il poursuit : “Un rendez-vous précis est fixé et les spectateurs, entre 50 et 100 jeunes, informés par SMS. Ces combats filmés par portable circulent ensuite de GSM en GSM et parfois même sur Internet”. Outre ces vidéos d’amateurs, “du porno circule sur les téléphones”. Pour Claude Carpentier, “le portable est passé d’un élément de sécurisation pour les parents à celui de composante de l’insécurité. Il faut mettre des garde-fous pour ce jeune public, quitte à se fâcher avec les opérateurs”. Il est pour l’heure impossible d’interdire la présence du portable dans les cartables, même si son utilisation l’est de fait dans les cours.