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http://www.ladepeche.fr, 25/11/2009
Posté le novembre 25th, 2009 8 commentairesCours de récréation : attention jeux dangereux
École. Jeu du foulard ou de la tomate, ils mettent en danger plus d’un million d’enfants en France.
Les jeux dangereux font encore des dégâts dans les cours de récréation. Et même parfois en dehors de l’école. Besoin de se mesurer aux autres, de s’intégrer à un groupe… Un sondage IPSOS de 2007 estime que plus d’1,5 million d’enfants auraient déjà pratiqué ce type de jeux. Un sondage TNS Sofres avance le chiffre de 1 million d’enfants qui y auraient déjà participé ou assisté. Avec des conséquences parfois dramatiques. Un rapport du groupe UMP à l’Assemblée nationale estime qu’« entre 15 et 20 jeunes décéderaient chaque année, avec un pic de décès entre 11 et 13 ans. »
Dès la maternelle et jusqu’au lycée, les élèves ne se lassent pas de décliner ces jeux à risque, même si les plus jeunes les pratiquent souvent avec plus d’innocence. Loin d’être une nouveauté, ils sont déjà un point commun à plusieurs générations. « Ils sont apparus au début des années 80 », estime le sociologue de la famille Michel Fize (1). Le rapport fait quant à lui remonter ces jeux beaucoup plus loin, à l’Antiquité.
Les jeunes Athéniens connaissaient peut-être le phénomène, mais il est certain que ce dernier s’aggrave. D’après le sociologue, « c’est à cause de la montée des violences. Les enfants ne font que reproduire ce qu’ils voient. Autrefois, dans la cour, il y avait des jeux sportifs, de compétition, aujourd’hui, ce sont des jeux méchants. »
Code de la cour
Pour tenter d’endiguer le phénomène, le rapport de groupe parlementaire propose 19 mesures pour tenter de résoudre le problème. Parmi elles, l’idée de mettre en place un « code de la cour », en complément au règlement intérieur de l’établissement. Un ensemble de règles, de droits et d’obligations, qui serait discuté entre le personnel enseignant et les élèves, et remis à jour chaque année. Pour la députée UMP Cécile Dumoulin, il est important que l’écriture du texte soit conjointe. « Ça permettrait de faire réfléchir tout le monde, sur ce qui doit se passer pendant le moment de la récréation, mais aussi sur ce qui est un jeu, et ce qui n’en est pas un. »
Dossier : Olivier Devos
(1) Sociologue au CNRS. Auteur de Mais qu’est-ce qui passe par la tête des méchants, aux éditions De L’homme.
L’Apeas (Association de parents d’enfants accidentées par la strangulation) organise les 3 et 4 décembre un colloque international sur le sujet à Paris. Pour contacter l’association: Françoise Cochet, présidente, au 0621454186.
Expériences ou «bizutages»
Il y a d’abord, les « jeux de non-oxygénation, d’évanouissement, de strangulation ou de suffocation », tournés vers l’expérimentation du corps. Ce sont les jeux les plus dangereux, responsables, le plus souvent, des décès. Le plus connu est le jeu du foulard, où l’on « s’amuse » à s’étrangler, pour ressentir des sensations intenses. Existent également les « jeux d’agression », ou de violence gratuite. Le jeu du « petit pont massacreur », par exemple, en fait partie. On se fait passer au pied un ballon, ou, à défaut, une canette. Si l’objet passe entre les jambes d’un participant, il est roué de coups. Il y a aussi d’autres catégories : « celui qui saute du point le plus haut », l’imitation de matches de catch vus à la télé… Et même des jeux à caractère sexuel.
« Pour eux,c’était un jeu, pas pour moi »
« J’étais en train de jouer avec mes copines, et ils m’ont attrapée. C’étaient deux garçons. Il y en a un qui m’a tenu le cou. Pour eux c’était un jeu. Mais pas pour moi. » Leïa a aujourd’hui 9 ans. Elle raconte comment, quand elle avait 7 ans et qu’elle était en CE1, à Montpellier. « J’ai réussi m’échapper. Pour pas qu’ils me retrouvent, mes copines m’ont caché sous un tas de manteaux. Après, les garçons m’ont dit que si je parlais, ils me feraient plus mal. »
Le soir, quand sa mère, Sylvie vient la chercher à l’école, elle voit tout de suite que quelque chose ne va pas. Mais la petite fille ne veut rien dire. Elle finira par se confier dans la soirée. Immédiatement, la mère tente de rencontrer le directeur. Celui-ci préfère minimiser. « Il a dit que ce n’était qu’un jeu, raconte Leïa. Que ça se reproduirait plus. C’est injuste, ils n’ont même pas été exclus. » La mère raconte une « bataille » de deux mois et demi, pendant lesquels sa fille allait à la même école. « Elle ne dormait plus la nuit. Sa moyenne est passée de 18 à 15, puis 14, 12, et enfin 8. » Devant l’incompréhension du directeur, Sylvie finira par aller porter plainte avec sa fille.
Aujourd’hui, Leïa est dans une nouvelle école. « Il y a des jeux mieux. Des billes pour les garçons, et l’élastique pour les filles ».
« Un risque fatal »
Frédéric Joye est urgentiste à Carcassonne et chargé du comité scientifique de l’Association des parents d’enfants accidentés par la strangulation (Apeas).
Quels sont les risques ?
Il y a trois types de risque. D’abord un risque fatal, notamment dans les cas de « jeux » de strangulation, et surtout quand l’enfant le pratique seul, quand il n’y a pas un groupe pour alerter les adultes. Il y a aussi le risque de séquelles gravissimes à graves. Il y a des cas, par exemple, de coma végétatif. Mais il y a un troisième risque, celui des petites séquelles, comme des problèmes d’insertion sociale, d’échec scolaire, d’irritabilité…
Pourquoi font-ils ça ?
Il s’agit parfois de rituels d’intégration à un groupe, lors de l’arrivée dans une nouvelle école, ou en colo. C’est pourquoi il s’agit d’être plus vigilant au moment de déménagements. Parfois c’est aussi le fameux « cap ou pas cap », en forme de confrontation, ou une façon de désigner un leader. Il s’agit donc souvent d’un phénomène de groupe. D’ailleurs, lorsqu’on identifie un enfant, il y en a souvent au moins 10, 20 ou même plus dans son entourage qui sont touchés.
Mais très vraisemblablement, il s’agit dans certains cas d’une véritable addiction, notamment lorsque ces « jeux » sont pratiqués seuls. C’est d’autant plus préoccupant que je le vois aussi comme une drogue gratuite.
Quels sont les signes ?
Tout ce qui ne paraît pas normal aux parents est un signe. Notamment lorsque plusieurs examens ont été effectués, et que les spécialistes n’ont rien trouvé. Mais parmi les premiers signes d’alerte, on peut citer les troubles du sommeil, car les enfants qui jouent seuls le font quand les parents dorment. La perte de capacités scolaires, de concentration, sont aussi des signes, s’il n’y a pas d’autres raisons de traumatisme, comme un divorce par exemple… Enfin, il faut s’interroger lorsqu’un jeune se met subitement à mettre des cols roulés, des écharpes : peut être veut-il cacher des marques de strangulation.
Que faire dans ces cas-là ?
Il faut surtout en parler. C’est la même démarche que lorsqu’on décide de parler du tabac, de l’alcool, des MST avec ses enfants. Tout en le ramenant à la technique que lui utilise, pour qu’il n’ait pas l’impression que l’on parle dans l’abstrait. Ensuite il faut lui faire comprendre les risques. Souvent, parler de la mort n’a pas d’impact. On peut l’aborder en faisant un parallèle avec quelqu’un de son entourage proche décédé. On peut aussi faire appel à la notion de handicap, en lui montrant par exemple des vidéos de tétraplégiques qui ont joué à l’un de ces jeux. Ça leur parle.
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http://www.dhnet.be, 4 nov 2009
Posté le novembre 25th, 2009 9 commentairesJeu du foulard: “Il faut faire cesser cette saloperie”
(04/11/2009)
© Natelhoff
Les parents de Quentin, décédé jeudi dernier après s’être étouffé, témoignent
BRAINE-L’ALLEUD Dans la soirée de jeudi dernier, Quentin Gilbert, un jeune Brainois de 9 ans à peine, saisissait une ceinture, se l’enroulait autour du cou et serrait le plus fort possible. Au point de perdre connaissance et connaître ainsi un sentiment d’extase. Malheureusement, ce sordide jeu s’est très mal terminé. Ses parents l’ont retrouvé inanimé et, malgré l’intervention des secours, Quentin est décédé durant la nuit.
Un peu moins d’une semaine après les faits, ses parents sont littéralement anéantis. Le père de Quentin, Ywan, a même séjourné à l’hôpital après avoir effectué un arrêt cardiaque, sans doute suite à l’épuisement consécutif au décès de son fils.
“Je parviens à dormir , explique-t-il, la voix pleine de sanglots. Mais c’est uniquement parce que je suis sous médicaments. Une psychologue nous aide beaucoup. Tout comme nos voisins et les parents des amis de Quentin.”
Totalement détruits, Ywan et Valérie, la mère, ne veulent pas s’apitoyer sur leur sort. Hier, ils avaient invité chez eux les amis de Quentin, leurs parents et des proches. “La mort de mon fils est pénible mais il faut qu’elle serve à quelque chose , confie Ywan. Il faut faire cesser cette saloperie qui est loin d’être un jeu. C’est un fléau de société qui est trop grave pour le passer sous silence. Me battre contre ce fléau n’apaisera pas ma douleur, mais j’espère que ma petite contribution permettra d’éviter que d’autres parents vivent ce drame.”
Alors que son fils sera inhumé aujourd’hui à Braine-l’Alleud, Ywan veut désormais sensibiliser enfants, parents, professeurs, directeurs d’école et monde politique au phénomène de plus en plus présent du jeu du foulard. Soit en rejoignant une association déjà existante, soit en en créant une qui porterait le nom de son fils.
“Certains enfants s’étranglent avec un foulard, d’autres s’étouffent avec un sac-poubelle. Ça ne peut plus durer. Un jour, Quentin avait raconté à son frère que lui et ses camarades s’amusaient en se serrant le cou à l’école. On lui a expliqué que c’était dangereux mais il a recommencé, par curiosité je pense. À l’école, personne ne leur disait rien quand ils jouaient à cela. C’est inadmissible. Les professeurs doivent prendre conscience qu’ils ont la vie de nos enfants entre leurs mains. Et que leur boulot, c’est aussi d’expliquer aux jeunes que ce genre de jeu est dangereux. Être prof, c’est une vocation avant d’être un gagne-pain !”
Yannick Natelhoff
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